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Hubert Mary

La crise du Covid pousse l'Union Européenne à accélerer sur le devoir de vigilance des entreprises

L’union européenne devrait se doter d’une réglementation contraignante sur le devoir de vigilance des donneurs d’ordre vis-à-vis de leurs sous-traitants d’ici 2021. C’est ce qu’a annoncé le commissaire européen à la Justice, Didier Reynders, fin avril. Si le sujet était déjà dans les cartons, la crise du Covid-19 a mis en lumière l’importance d’un meilleur encadrement des chaines de valeur devenues de plus en plus complexes et mondialisées.



La crise du Covid19 a montré le besoin d'encadrement des chaines d'approvisionnement, notamment en matière de respect des droits humains


« Les entreprises ayant de meilleurs processus d'atténuation des risques dans leurs chaînes d'approvisionnement causent moins de dommages et résistent mieux à la crise ».

Adoptée dans la douleur en 2017, la loi sur le devoir de vigilance française qui demande aux grands donneurs d’ordre de cartographier et de prévenir les risques pesant sur les droits humains sur toute leur chaîne d’approvisionnement fait désormais figure d’exemple à suivre. Le 29 avril, le commissaire européen à la Justice Didier Reynders a annoncé que l’Union européenne élaborerait d’ici l’an prochain une proposition législative qui s’inspire de l’esprit du texte français.

La proposition, déjà dans les cartons, a pris une acuité nouvelle avec la crise du Covid-19. Elle pourrait donc être intégrée au Green Deal ou au plan de relance européen. La pandémie "a douloureusement mis en évidence les vulnérabilités de notre économie et des chaînes d'approvisionnement mondiales non réglementées, souligne Didier Reynders. Les conséquences sont désastreuses pour les travailleurs, notamment en bout de chaîne, documente le CCFD-Terre Solidaire dans un rapport. "Les entreprises ayant de meilleurs processus d'atténuation des risques dans leurs chaînes d'approvisionnement causent moins de dommages et résistent mieux à la crise. Nous devons donc nous assurer que cette conduite responsable devienne la norme, une orientation stratégique pour les entreprises", assure le commissaire européen. 


Un devoir de vigilance étendu et contraignant


Nous en sommes loin : un tiers seulement des entreprises européennes réalise une diligence raisonnable sur l’ensemble des droits humains et 16% vont au-delà des fournisseurs de rang 1, montrant le peu d’efficacité de la seule incitation, selon une étude du British Institute of International and Comparative law (BIIC). Il faudra donc "soutenir et protéger les entreprises dans cette transformation", ajoute Didier Reynders.

Selon les premiers éléments distillés par le commissaire européen, le devoir de vigilance toucherait tous les secteurs d’activité, toutes les tailles d’entreprises et toute la chaîne d’approvisionnement, sur l’ensemble des droits humains (sociaux et environnementaux). Le règlement européen s’imposerait immédiatement aux États et s’inscrirait dans une logique de résultat, sanctions à l’appui. "Cela obligera clairement les entreprises à renforcer leurs programmes de conformité et à se concentrer davantage sur ces questions pour leur chaîne d'approvisionnement et d'autres relations commerciales, comme les fusions/acquisitions et les accords de financement", souligne le cabinet en conseil juridique Norton Rose Fulbright.


Des acteurs économiques et financiers de plus en plus convaincus


L’annonce a été saluée par les ONG comme la European Coalition for Corporate Justice (ECCJ) qui y voit un "jalon important" pour imposer des "règles contraignantes en matière de responsabilité des entreprises". Mais, elles ne sont plus seules. Récemment, une centaine d’investisseurs représentant 5 000 milliards de dollars d’actifs sous gestion ont appellé les États à s’entendre pour un devoir de vigilance contraignant au niveau mondial. Des gouvernements européens travaillent d’ailleurs à la mise en place d’une telle législation, comme l’Allemagne, qui a apporté son soutien à Didier Reynders.

De fait, le contexte a changé, expliquait Dominique Potier, député socialiste qui a porté la loi française, lors de la remise des prix du meilleur plan de vigilance FIR-A2 Consulting, en janvier dernier. "Alors que le patronat s’était fortement mobilisé contre la loi française, les entreprises expliquent désormais comment celle-ci leur a permis de conquérir des marchés", décrit-il. Il faudra tout de même convaincre les récalcitrants, au premier titre duquel Business Europe, le Medef européen, dirigé par l’ancien patron des patrons français, Pierre Gattaz.


Béatrice Héraud, @beatriceheraud

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